DG DATI : non contente de malmener ses directions générales, la ministre pourrait mettre le feu aux écoles ! (Communiqué CGT Culture)

Texte publié le 30 avril 2025.

Rachida Dati a ordonné le regroupement des services et directions concourant au pilotage de l’Enseignement Supérieur Culture dans une nouvelle Direction de l’administration centrale. Celle-ci serait logée au sein de l’actuelle Délégation Générale aux Territoires, à la Transmission et à la Démocratie Culturelle (DG2TDC). Ce projet, qui arrive 3 ans seulement après la dernière réorganisation de l’administration centrale (OAC) et à peine 18 mois après la réorganisation de la tutelle des écoles d’architecture (ENSA-P), sera mené en aveugle et à la schlag pour s’insérer dans le calendrier électoral de la ministre et la course à la conquête de la mairie de Paris.

Un train de réformes libérales à venir

La DGEDC, en éloignant un peu plus la tutelle de la réalité des écoles, ouvre un boulevard pour accentuer le désengagement de l’État dans les moyens financiers et humains dédiés aux écoles : course aux « ressources propres » imposant un surtravail à des personnels déjà surchargés par les missions qui ne cessent de s’ajouter, transfert de gestion des personnels T2 contractuels ou titulaires aux écoles sans compensation budgétaire de l’augmentation des salaires (Glissement Vieillesse Technicité). C’est l’équivalent de la réforme Pécresse qui a plongé les universités dans la misère.

Au plan pédagogique, Direction Générale des Patrimoines et de l’Architecture (DGPA) et Direction Générale de la Création Artistique (DGCA) portent plusieurs chantiers qui impactent déjà l’enseignement supérieur culture. Sous l’effet des injonctions à la professionnalisation, la révision des maquettes pédagogiques dans les écoles d’art et d’architecture, vise à supprimer une partie des enseignements disciplinaires (ateliers de projets, enseignements théoriques) au profit de stages, d’apprentissage et d’alternance, à diminuer le poids des diplômes au profit du contrôle continu (équivalent de la réforme du Bac). L’augmentation substantielle du nombre d’étudiants, annoncée comme un objectif de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur culture, est censée se faire à moyens humains constants sans aucune réflexion sur la dégradation de la qualité de la formation qui en découlera.

L’injonction faite aux écoles de générer des fonds propres, à travers notamment des formations complémentaires et payantes va entraîner une concurrence délétère entre établissements et accroître les inégalités territoriales au rebours des affichages de la Ministre envers les territoires.

Une rentrée universitaire chaotique

Un courrier adressé par la Ministre aux directeurs et directrices d’écoles suggère que le projet se limite à une migration de services au sein de l’administration centrale. Mais outre la maltraitance pour les collègues de la centrale, la lecture du rapport IGAC est inquiétante. Elle jette dans l’inconnu les services des écoles (finances, RH, recherche...) en lien avec la tutelle alors qu’ils manquent déjà de moyens pour exercer correctement leurs missions. Quelle rentrée 2025 dans les écoles avec une administration centrale en chantier et des injonctions administratives qui ne cessent de se multiplier : le chaos ?

Une désaffection de la recherche

La recherche est la grande absente du projet. Elle a été permise, dans les ENSA-P, par un portage énergique de la tutelle : statuts des écoles, des enseignants-chercheurs, développement et financement du doctorat, lancement de programmes de recherche, de réseaux scientifiques thématiques... Cet accompagnement nécessite un appui technique et administratif expert qui doit être maintenu et renforcé. Dans les ENSART, la structuration des réseaux de la recherche et l’adaptation du statut des enseignants en tant que chercheurs sont restés embryonnaires.

Le minimum que l’on puisse attendre de cette direction unique est de conserver l’expertise de la DGPA et d’harmoniser par le haut la situation de la recherche dans les autres filières, notamment les statuts et le régime indemnitaire complètement obsolètes des professeurs des écoles d’Art. Rien ne nous garantit que ce sera le cas !

La faiblesse de la place de la recherche dans le projet de DGEDC fait craindre aussi une chute directe des moyens alloués. Les financements et les postes mis en place (administratifs, ingénieurs de recherche, décharges recherches, contrats doctoraux) sont déjà insuffisants, et le préfigurateur du projet n’est pas franchement rassurant : « la réforme doit s’accompagner dans toute la mesure du possible d’une préservation des moyens de l’ESRC ».

Enfin, quels leviers aurons-nous pour défendre une politique de recherche en architecture et arts visuels ambitieuse quand celle-ci ne sera plus portée au plus près des enjeux disciplinaires contemporains ?

Une brutalisation des personnels dans un calendrier intenable

Le calendrier, comme la méthode, est brutal. La ministre de la Culture a annoncé fin janvier 2025 la mise en place de la Direction Générale des Enseignements et de la Démocratie Culturelle (DGEDC) avant l’été. L’Inspecteur Général des Affaires Culturelles (IGAC) chargé de la préfiguration doit donc écrire d’ici fin mai un décret, des arrêtés, un organigramme, des contrats de service, les nouvelles fiches de poste pour 3 directions sur 5, établir des matrices de passage, établir des avenants aux contrats, organiser les déménagements, mettre les équipes en mouvement, les accompagner…

Un pilotage « unifié » mais sans expertise métier

Le bilan de la réforme de l’OAC n’a jamais été dressé, ni pour l’administration, ni dans ses effets pour les écoles. Cette réforme s’annonce avec le même esprit d’aveuglement, sans aucun souci des besoins réels de l’enseignement supérieur culture. Mais pour quels objectifs et pour quelle nécessité ? Celui-ci s’est profondément transformé à la suite du processus de Bologne, sans que le Ministère n’accompagne correctement les transformations que les Ecoles ont dû mettre en place pour s’inscrire dans la normalisation de l’enseignement supérieur européen. En l’état actuel, la seule ambition de ce projet semble être de réduire la tutelle à un accompagnement technico-administratif a minima. Un précédent rapport IGAC (2020), tout en préconisant une tutelle concentrée sur les aspects stratégiques et budgétaires, encourageait l’autonomisation des établissements sans garantir les moyens nécessaires à leur fonctionnement. Ce n’est pas ce dont nos écoles ont besoin !

Traiter ainsi l’Enseignement Supérieur Culture et la recherche n’est pas raisonnable !

Pour toutes ces raisons, nous exigeons :

  • la suspension immédiate du projet, un bilan de l’organisation de l’administration centrale et du pilotage actuel des établissements de l’enseignement supérieur ;
  • un portage ambitieux de la recherche et de la pédagogie en architecture et dans les arts en relation avec les enseignants professionnels concernés ;
  • un renforcement pérenne des moyens humains, matériels et financiers alloués aux écoles du service public culturel et la reconnaissance de leurs missions spécifiques dans le paysage de l’enseignement culturel.

Paris, le 30 avril 2025.

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