Chasse aux immigré.es et aux sans-papiers : pour l’inspection du travail, c’est toujours hors de question ! (Intersyndicale ministère du Travail)

Texte publié le 24 février 2025.

Depuis plus d’un an, les gouvernements successifs ne cessent de promouvoir des durcissements législatifs et réglementaires à l’encontre des travailleur.ses étranger.es. Le gouvernement Bayrou marque un tournant dans cette surenchère : le 23 janvier 2025, le Ministre de l’Intérieur a abrogé la circulaire Valls qui encadrait la possibilité de régularisation sous conditions de travailleur.ses sans papiers, pour y substituer une circulaire dont l’objectif affiché est la « maîtrise des flux migratoires » et le renforcement du « niveau d’exigence » sur l’intégration des étranger.es. La veille, le décret n°2025-60 du 22 janvier 2025 a décidé de remettre en place un comité interministériel du contrôle de l’immigration, auquel le Ministère du Travail est sommé de participer.

Dans un tel contexte, nos organisations syndicales se doivent de réaffirmer avec force l’incompatibilité des missions de l’inspection du travail avec toute forme de chasse aux immigré.es et aux sans-papiers. Nos organisations réaffirment la solidarité de tou.tes les travailleur.ses, français.es ou étranger.es, avec ou sans papiers, et refusent fermement cette logique du bouc émissaire !

Les sans-papiers sont des victimes, pas des délinquant.es

Nos constats le confirment : de nombreux.ses travailleur.ses étranger.es travaillent dans des métiers difficiles, physiques, aux horaires décalés. Nettoyage, bâtiment, logistique, sécurité, restauration, agriculture, travail à domicile... Placé.es en situation de vulnérabilité du fait de la précarité de leurs titres de travail, ou de l’absence de titres, il.elles subissent des conditions de travail intolérables et bien souvent, sont victimes de travail dissimulé. C’est donc bien en tant que victimes que ces travailleur.ses doivent être appréhendé.es par nos services ! Leur situation, d’ailleurs, est bien connue et leur précarité aggravée par le durcissement des conditions de régularisation.

Un guide DGT sur la protection des étranger.es non autorisé.es à travailler, daté de juillet 2024, rappelle ce que devrait être le positionnement de l’inspection du travail sur de tels sujets. Il renvoie à la circulaire DGT du 20 décembre 2006, qui rappelle entre autres que « la fonction principale des inspecteurs du travail est de veiller à la protection des travailleurs et non à assurer l’application du droit de l’immigration » et que nos interventions doivent « être compatibles avec l’objectif de protection de l’inspection du travail ».

La recommandation n°198 de l’OIT de 2006 rappelait aussi que les Etats membres devaient « particulièrement veiller à assurer une protection effective aux travailleurs spécialement affectés par l’incertitude quant à l’existence d’une relation de travail », notamment « les travailleurs migrants ». L’inspection du travail est là pour protéger les travailleurs.euses vulnérables, et pas pour les accabler.

Dès lors, le travail conjoint de nos services avec ceux de la Police aux frontières (PAF), ou ceux de tout autre service (police, gendarmerie) qui viserait à contrôler le respect du code de l’entrée et du séjour des étranger.es (CESEDA), sera contraire à cet objectif de protection. Le/la travailleur.se étranger.e n’y est plus envisagé.e comme une victime dont les droits doivent être défendus, mais comme un.e potentiel.le mis.e en cause. Pire, ces contrôles peuvent donner lieu à la mise en place d’obligations de quitter le territoire français (OQTF), voire à sa mise sous rétention. Comment cela pourrait-il être compatible avec l’intervention de l’inspection du travail ?

Doit-on par ailleurs rappeler que la formalisation d’une OQTF, même lorsqu’elle n’est pas exécutée, constitue désormais un motif valable de refus de tout titre de séjour – et donc que toute OQTF réalisée suite au contrôle garantit le maintien durable des sans-papiers dans une situation de non-droit, où ils.elles seront facilement exploité.es ?

Stop à l’instrumentalisation raciste et islamophobe des CODAF et des CLIR

Pourtant, de nombreuses pratiques dans les services continuent de bafouer les textes fondateurs de l’inspection du travail. Dans une illégalité flagrante, et un manquement manifeste à la déontologie du corps, des contrôles s’organisent dans le cadre des comités départementaux antifraudes (CODAF), dont les cibles sont bien souvent des travailleur.es étranger.es ou immigré.es. Les infractions à constater sont bien souvent anticipées, et personne ne peut prétendre ignorer ce qu’il va se passer.

Il n’est pas tolérable que notre hiérarchie puisse envisager que nous participions à des opérations qui conduiraient à l’arrestation de travailleur.euses ou à la délivrance d’obligation à quitter le territoire français. Plus que jamais, nous appelons les collègues à refuser des contrôles conjoints, qui dénaturent leur rôle et leur fonction.

Comment est-il possible qu’interpellées sur ce genre de pratiques, certaines administrations locales s’évertuent à affirmer que « chaque service est dans son rôle », comme si les choses allaient de soi ? La mise en cause d’un.e salarié.e est incompatible avec une mission de protection à son égard !

Parallèlement, certaines préfectures ont relancé récemment les comités de lutte contre l’islamisme et la radicalisation (CLIR). Les directions locales s’en sont là aussi faites le relais, et ont invité les agent.es de contrôle à se joindre à ces comités dont les objectifs n’ont rien de commun avec ceux de l’inspection du travail. Faut-il de nouveau rappeler que le 14 janvier 2022, une note de la DGT a rappelé qu’il n’était « pas souhaitable » que nos services participent à des opérations de lutte contre la radicalisation ?

La participation, sur ordre ou invitation des préfet.es, des agent.es de l’inspection du travail à des contrôles « CLIR » est de nature à constituer un détournement et une instrumentalisation de nos pouvoirs. Les directions locales se doivent de protéger l’inspection du travail des influences extérieures indues et d’être garantes de notre indépendance effective.

Nous appelons l’ensemble de nos collègues à se saisir du sujet pour dénoncer partout, toute forme d’instrumentalisation raciste ou xénophobe de nos services. L’inspection du travail doit rester un outil de protection des salarié.es !

N’hésitez pas à solliciter vos syndicats si vous constatez des dérives racistes ou xénophobes dans vos administrations. Vous n’êtes pas seul.es !

 Tract de l’intersyndicale du ministère du Travail en téléchargement