Justice des enfants : l’impasse sécuritaire (Communiqué commun CGT-PJJ / Syndicat de la Magistrature)
Texte publié le 8 janvier 2025.
L’arrivée d’un nouveau garde des Sceaux offre l’opportunité d’un bilan des politiques sécuritaires menées depuis des années. C’est l’occasion de réaffirmer, pour la justice des enfants, le besoin d’une politique publique ambitieuse, progressiste et humaniste, ainsi que l’impératif de rompre avec une logique comptable qui réduit les enfants à des statistiques et les professionnel·les à des gestionnaires de dossiers. La CGT PJJ et le Syndicat de la magistrature appellent au sursaut de la raison.
En cédant à l’émotion, on oublie les faits. Dans le tumulte des débats sécuritaires qui s’intensifient à chaque échéance électorale, la jeunesse et les enfants pris en charge par la justice sont des boucs émissaires. Faisant de ces jeunes des figures qui font peur, les responsables politiques rivalisent de propositions souvent démagogiques. A chaque affaire grave impliquant un mineur, surfant sur une émotion légitime, ils s’empressent de dénoncer une justice des mineurs soi-disant laxiste et de répondre par des lois toujours plus répressives, comme en témoigne la récente proposition de loi de G. Attal.
Nous, professionnel·les de la justice des enfants, dénonçons l’échec patent des politiques publiques sécuritaires
Les politiques répressives n’ont jamais empêché la récidive. Dressés en totem sécuritaire, les centres éducatifs fermés (CEF) en sont une preuve supplémentaire : onéreux et pourtant dépourvus de personnels qualifiés, ils deviennent souvent des lieux de souffrance et de reproduction des passages à l’acte. Le ministère refuse obstinément d’en tirer le moindre bilan. Pourtant, la Cour des Comptes, le Sénat et les différents contrôleurs généraux des lieux de privation de liberté ont déjà largement documenté l’inefficacité de ces établissements.
L’entrée en vigueur du CJPM en 2021 a signé le sacrifice du temps éducatif sur l’autel du rendement. Les promesses de moyens supplémentaires pour accompagner cette réforme n’ont pas été tenues, abandonnant à eux-mêmes les agents en quête de sens. Le manque d’attractivité de la justice des enfants s’est aggravé, dans un contexte d’usure professionnelle des agent.es déjà profondément ancrée.
Nous appelons à ce que les responsables politiques fassent prévaloir la raison sur l’émotion
Les sciences sociales ont longtemps éclairé la compréhension des parcours des « jeunes délinquants ». Mais aujourd’hui, ces théories sont réduites au silence par un discours qui glorifie la répression au détriment d’approches éducatives qui ont pourtant fait leurs preuves. Nombre de responsables publics ne cherchent plus à comprendre ces jeunes, mais à les juger et à les exclure. Ces choix politiques brisent les chances de réinsertion et enferment ces jeunes dans une spirale de marginalisation. Chaque enfant que l’on abandonne à ces réponses simplistes est un homme ou une femme en devenir que nous condamnons à l’impasse avec des risques de récidive.
Dans l’intérêt général, il est impératif de réaffirmer la place essentielle des sciences sociales. Ces disciplines nous permettent de comprendre les causes de la délinquance et de développer des réponses adaptées. Mais pour cela, la justice des enfants doit aussi disposer des moyens humains et matériels à la hauteur de ses ambitions.
Pour une justice des enfants éclairée et tournée vers l’avenir
Face à l’échec des politiques sécuritaires, nos organisations appellent à réaffirmer les fondamentaux de nos missions de service public : une justice éducative et préventive. Les enfants que nous accompagnons ne cherchent pas à être excusés pour leurs actes. Ils ont besoin d’un véritable soutien pour comprendre leurs erreurs, les réparer et se projeter dans un avenir meilleur. Ce n’est pas une utopie : c’est une nécessité. Ces adolescents vulnérables, souvent en quête de repères, méritent un accompagnement éducatif solide, capable de les aider à se reconstruire. Ensemble, la CGT PJJ et le Syndicat de la magistrature, défendent une justice qui ne se limite pas à sanctionner, mais qui place l’éducation et la prévention au cœur des politiques publiques.
Nous ne pouvons plus céder aux sirènes de l’émotion pour guider la justice des enfants. Les enfants suivis par la justice ne sont pas une menace mais une promesse. Une société juste ne stigmatise pas ses enfants : elle leur offre une seconde chance. Agissons aujourd’hui pour construire un avenir plus éclairé et plus juste et portons un projet humaniste pour la justice des enfants.
Paris, le 7 janvier 2025
– Communiqué commun CGT-PJJ / Syndicat de la Magistrature en téléchargement