Accord de méthode sur l’égalité professionnelle : la CGT Fonction publique s’adresse au ministre de la Fonction publique
Texte publié le 1er juillet 2025.
Montreuil, le 27 juin 2025
A
Monsieur Laurent Marcangeli
Ministre de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification
Copie à :
M. Boris Melmoux-Eude
Directeur général de l’administration et de la fonction publique (DGAFP)
Copie aux Organisations syndicales représentatives :
FO, CFDT, UNSA, FSU, Solidaires, CFE-CGC, FA-FP
Objet : Accord de méthode sur l’égalité professionnelle
Monsieur le Ministre,
La CGT Fonction publique prend acte de la transmission de la version révisée de votre projet d’accord de méthode relatif à la prochaine négociation sur l’égalité professionnelle.
La CGT vous interpelle ce jour par la présente lettre dans l’objectif de faire encore évoluer les contenus du projet de texte lors de la réunion du 2 juillet prochain.
Nous saluons plusieurs avancées : vous replacez à juste titre cette négociation dans le contexte international actuel « où les menaces sur les droits des femmes se multiplient » ; vous neutralisez la période estivale ; vous levez de toute clause de confidentialité qui restreignait la restitution dans nos organisations et auprès des agent∙es de l’évolution du processus de négociation ; vous reconnaissez enfin le droit à l’expertise indépendante financée par l’administration. Le texte assume en outre des termes plus contraignants, l’obligation de décliner l’accord dans les trois versants de la Fonction publique, l’intégration de la santé des femmes comme axe dédié, la notion d’effectivité pour la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, ainsi que la prise en compte des violences intrafamiliales.
Ces progrès améliorent la transparence et la méthode, mais la version soumise reste éloignée de l’ambition nécessaire pour réduire l’ampleur des inégalités entre les femmes et les hommes.
Sur la question des rémunérations, le projet ne comporte toujours ni engagement de revalorisation du point d’indice, ni refonte des grilles, ni référence explicite au principe « à travail de valeur égale, salaire égal » pourtant consacré en droit français depuis plus d’un demi-siècle et réaffirmé par la directive européenne 2023/970 du 10 mai 2023. Aucune mesure n’est annoncée pour corriger le rôle aggravant du régime indemnitaire dans les écarts de salaire et de pension.
S’agissant de la précarité, le texte demeure silencieux sur un plan de titularisation alors que les métiers les plus féminisés – et donc les plus exposés aux inégalités – sont majoritairement occupés par des contractuelles. Sans sécurisation de ces parcours, les écarts de carrière se reproduiront mécaniquement.
En outre, l’annonce d’une « mobilisation des moyens nécessaires » n’est adossée à aucun chiffrage, aucune ventilation par axe, ni aucune inscription dans la programmation pluriannuelle des finances publiques. Sans cadrage financier, y compris dans une programmation pluriannuelle, les engagements resteront déclaratifs.
Le calendrier présente également une faille : l’obligation de déclinaison dans chaque versant n’est assortie d’aucun échéancier impératif ni de mécanisme de sanction en cas de manquement des employeurs publics. Il serait inacceptable que seuls un ou deux versants déclinent l’accord-cadre, comme l’a montré l’exemple récent de la protection sociale complémentaire des agent·es publics.
À ces limites s’ajoute une contradiction fondamentale. Depuis le 1ᵉʳ mars 2025, le décret n° 2025-197 du 27 février 2025 applique une décote de 10% de rémunération sur les congés de maladie ordinaire sans dérogation pour les femmes enceintes. Cette mesure, contre laquelle la CGT et plusieurs organisations syndicales ont saisi la Défenseure des droits, inflige une double peine – médicale et financière – à des agentes déjà confrontées aux inégalités salariales. Maintenir une telle sanction tout en aspirant à négocier l’égalité professionnelle relève de l’incohérence. Nous rappelons également que certaines dispositions, obtenues par le dialogue social pour la santé des femmes (telles que les autorisations spéciales d’absence en cas de règles douloureuses), sont aujourd’hui remises en cause. Il est urgent d’agir pour que des droits concrets soient créés pour prendre en compte la spécificité de la santé des femmes.
Il apparaît dès lors indispensable de retirer sans délai le décret n° 2025-197 et de rétablir le maintien intégral de salaire pour toute agente enceinte placée en congé de maladie ordinaire ; de chiffrer, ventiler et inscrire dès la loi de finances 2026 les moyens dédiés à chaque axe de l’accord, afin de garantir son effectivité ; de revaloriser immédiatement le point d’indice, de refondre les grilles indiciaires et d’appliquer pleinement le principe « salaire égal pour un travail de valeur égale » ; de lancer un plan massif de titularisation pour résorber la précarité dans les métiers féminisés ; et de prévoir un échéancier contraignant assorti de sanctions financières automatiques à l’encontre des employeurs défaillants.
Le président de la République a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes une cause nationale.
Cet engagement appelle désormais des décisions budgétées, opposables et à la hauteur des attentes.
La CGT Fonction publique compte sur la détermination de votre ministère pour conférer à cette négociation l’ampleur nécessaire et se tient prête à y contribuer activement, dans l’intérêt des agentes, des agents et du service public.
Nous demeurons disponibles pour poursuivre les discussions afin de parvenir à un accord de méthode.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Messieurs, l’expression de nos salutations respectueuses.
La CGT Fonction publique,
Sylviane BROUSSE
Coordonnatrice
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