Arrêt maladie des agent.es publics – Et si on soignait le travail ?
Texte publié le 4 novembre 2024.
Dimanche 27 octobre, les ministères du Budget et de la Fonction publique ont annoncé que des amendements au projet de loi de finances 2025 allongeraient d’un à trois les jours de carence dans la fonction publique, et baisseraient de 100% à 90% la prise en charge de la rémunération par l’employeur pendant les trois premiers mois de maladie ordinaire.
Ces amendements reprendront mot pour mot les propositions de la « revue de dépenses relative à la réduction des absences dans la fonction publique » de l’IGF et de l’IGAS de juillet 2024.
La protection sociale des salarié.es du public comme du privé est attaquée de manière conséquente.
Aujourd’hui, dans le secteur privé, les salarié.es malades bénéficient d’une prise en charge du salaire à une hauteur de 50 % jusqu’à 1,8 SMIC maximum. Demain et sur proposition du gouvernement au titre du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2025, la prise en charge serait désormais limitée à une hauteur de 50 % jusqu’à 1,4 SMIC maximum (de 52€ par jour à 40€ par jour).
Certains députés de la coalition majoritaire proposent déjà d’établir pour les salariés du privé des jours de carence d’« ordre public », qui ne pourront plus être pris en charge ni par l’employeur ni par la protection sociale complémentaire. Ce qui revient à étendre au privé ce qui existe déjà dans la fonction publique pour le délai de carence d’un jour.
Le gouvernement utilise l’argument de l’égalité avec le privé, puisque 3 jours de carence et une prise en charge du salaire à 90% les trois premiers mois sont les règles de la sécurité sociale. Mais les trois quarts des salariés ne les subissent pas, puisque c’est soit la protection sociale complémentaire en prévoyance qui les prend en charge, soit c’est l’employeur directement du fait des conventions collectives et des accords d’entreprise. Seul.es les salarié.es les plus précaires, celles et ceux des plus petites entreprises se voient appliquer ces règles : c’est pourquoi la CGT demande que la protection sociale complémentaire obligatoire en prévoyance s’étende à l’ensemble des salariés du privé.
Dans la Fonction publique de l’État, l’article 9 du décret 2024-678 interdit la couverture du délai de carence par la protection sociale complémentaire. Le passage à trois jours du délai de carence, soit une perte de rémunération de 10% dès que l’agent public tombe malade, sera donc totalement à la charge des agents.
Quand Monsieur Guillaume Kasbarian, nouveau ministre de la Fonction publique, indique au Figaro qu’il est favorable à la prise en charge par la protection sociale complémentaire de cette perte de revenu, il ne parle que de la perte de 100% à 90% de la rémunération des trois premiers mois de maladie ordinaire à partir du 4ème jour. En dehors du ministère des Finances, où elle sera obligatoire dans un an, la protection sociale complémentaire en prévoyance est facultative dans l’Etat, la participation de l’employeur étant limitée à 7€ par mois. En clair les tarifs des opérateurs pour cette couverture seront élevés et quasi entièrement à la charge des agent.es, ce qui est là aussi une forte différence avec le privé.
Cette décision est le degré zéro d’une politique de santé dans la fonction publique, déjà indigente.
Dans la revue de dépenses de l’IGF et de l’IGAS les rapporteurs mettent en lumière le caractère lacunaire des statistiques disponibles, aucunes données n’existant pour 2023, la difficulté à mettre en œuvre dans la Fonction publique une véritable politique de prévention en lien avec les conditions de travail, et le fait que les différences entre privé et public en nombre de jours de congés s’expliquent quasi intégralement par l’âge, le genre et les métiers exercés.
Il n’y a donc aucune base objective certaine pour justifier d’une différence entre public et privé, sauf en défaveur des fonctionnaires.
C’est donc sur la base de ce raisonnement indigent que le gouvernement et la majorité gouvernementale s’apprêtent à prendre la décision de substituer la punition financière à toute politique de santé dans la fonction publique, pour chercher 400 millions de baisse de dépenses salariales supplémentaires dans l’Etat, et 1,2 milliards dans les trois versants de la Fonction publique.
La CGT combattra sans restriction une mesure qui baisse encore les rémunérations dans la fonction publique, menace les droits sociaux des salarié.es du privé, et est stupide en termes de politique de santé, la punition, qui plus est des personnes malades, n’étant pas un soin.
Il est urgent que le nouveau ministre prenne conscience des maux qui ne cessent de miner la fonction publique et ses agent.es :
- Des réformes – Révision générale des politiques publiques, Modernisation de l’action publique, Action Publique 2022, … - qui ne cessent de saper le sens, les finalités, les contenus, des missions de service public et du travail mis en œuvre par les agent.es,
- Le gel quasi ininterrompu de la valeur du point d’indice depuis bien trop longtemps, le tassement des grilles indiciaires, la persistance des inégalités salariales et professionnelles entre les femmes (63 % de la population active dans la fonction publique) et les hommes, constitutifs d’une négation de la reconnaissance du travail des agent.es,
- Un vieillissement de la population active qui nécessiterait une autre politique de recrutement (36 % des personnels ont aujourd’hui 50 ans et plus), une accidentologie et une pénibilité au travail et du travail qui là aussi nécessiteraient une autre politique.
L’urgence ne consiste pas à s’attaquer aux agent.es malades !
L’urgence est à soigner le travail !
C’est pourquoi l’UFSE propose notamment de réduire le temps de travail tout au long de la vie – retraite à 60 ans et 32 heures, l’augmentation et l’égalité salariales, des créations d’emplois et la titularisation des agents non titulaires, la reconnaissance et la prévention de la pénibilité du travail, la démocratie au travail avec le rétablissement des CHSCT, mais aussi des droits nouveaux tant pour les organisations syndicales que pour les agent.es publics.
Montreuil, le lundi 4 novembre 2025